PAR
UNE ERREUR DE TRADUCTION,
" King of the Royal Mounted " serait devenu en français
"Le roi de la Police Montée" et fut longtemps édité
sous cette appellation en France à partir des années trente.
Naguère, certain chroniqueur rappelait que la gendarmerie canadienne
n'avait pas de roi mais une reine, celle d'Angleterre puisque le Canada
relevait du Commonwealth. Imaginerait-on en France un roi de la gendarmerie
nationale ?
MAIS L'ERREUR ETAIT PEUT ETRE VOLONTAIRE :
il faut remettre ce personnage dans le contexte de l'Age d'or de la
bande dessinée, où une avalanche de héros hors
norme, qui incarnent une nouvelle mythologie, vont fasciner l'imaginaire
collectif. Un grand nombre de ces personnages sont, dans les titres
d'édition française, rois d'une entité improbable
: Tarzan, roi de la jungle, Lone Ranger, roi de la Prairie,
Red Ryder, roi du Far West, Mandrake, roi des magiciens.
Nous avions dans les romans un Cartouche, roi des voleurs, un
Mandrin, roi de la contrebande. Il y eu même un roi du
rock qu'on appela le King
Mais un roi des gendarmes à cheval !
Seulement voilà, la perception pour le grand public de
la Police Montée n'est pas aussi matérielle. Elle incarne
un idéal d'aventure, de paysages enneigés, de poursuites
à cheval dans les forêts du Grand Nord, de randonnées
à ski, à raquettes, à canoë, de raids en hydravion
sur les lacs canadiens
Une diversité de situations que nous
offre la série des King de la Police Montée.
|
En
somme, tout un univers de rêve, de pureté, paradoxalement
à la fois irréel et auquel les lecteurs peuvent trouver
une identification toute prosaïque : les forêts et les
blanches étendues ne manquent pas non plus chez nous.
la perception
pour le grand public de la Police Montée incarne un idéal
d'aventure...
A
NOTER QUE LES CANADIENS ONT ADOPTE POUR LEUR EDITION LE NOM DE ROY
de la Police montée, un prénom qui fleure bon la vieille
France et qui laisse supposé le double sens sémantique.
Toute cette veine onirique d'aventures dans le Grand nord a
nourri le succès de sérials hollywoodiens des années
trente. A la suite de celui-ci, Zane Grey, auteur de western
en roman fut chargé de créer en 1935, pour les comics,
un personnage de mountie. Et ce fut King, servi par deux dessinateurs
: Allen Dean, et Charles Flanders (connu par ailleurs pour avoir aussi
dessiné l'Agent secret X-9), qui se partagent l'un les
bandes quotidiennes et l'autre les planches du dimanche sur deux histoires
de King différentes dès 1936.
LES
DEUX SONT IMMEDIATEMENT PUBLIES EN FRANCE, l'une dans Hurrah,
l'autre dans l'Aventureux.
|
A
partir de 1939, et jusqu'en 1955, c'est Jim Gary qui mène
de front les BQ et les planches du dimanche. (Ses autres séries
comme G-men, adaptations de Boris Karloff en BD et Mr Wong nous sont
restés inconnues en France).
On ne peut s'empêcher de faire le lien avec Red Ryder
autant pour l'ambiance de western moderne, où les cow-boys
ont des téléphones, des voitures, des avions, des mitraillettes
que pour le trait large et puissant. Et en effet, Fred Harman amena
à l'occasion sa collaboration à Gary. Force est de constater
que malgré les années, ce style enlevé et sans
fioritures garde une fraîcheur d'expression étonnante.
©Red Ryder Enterprises, Inc.
LE STYLE NARRATIF AUSSI ETONNE PAR SON EFFICACITE
et l'urgence des enchaînements. Les informations se succèdent
à chaque phylactère à un rythme effréné,
ménageant en peu de mots coups de théâtre et soupçons
sur les protagonistes avec une science de la mise en haleine digne
des Hitchcock et Fritz Lang. Les amateurs de scénarii à
la technique savante et à l'intrigue bien orchestrée
seront ravis. Souhaitons-le comme pour notre précédente
réédition de Dédé Loupiot une bonne lecture
!
|